Jan 24, 2014
C‘est, par excellence, la nécropole royale de la IV ème dynastie. Outre les trois pyramides et leurs dépendances, elle comprend de nombreuses tombes abritant les hauts dignitaires des IV ème et V ème dynasties. Pour le roi, on adopte la structure du complexe funéraire imaginée par Snéfrou, différente en tous points des aménagements de Djéser. Immédiatement au bord du Nil, à la limite des terres cultivées, le temple de la vallée, point de passage obligatoire vers la demeure d’éternité, reçoit le défunt lors des funérailles. On y pénètre par une porte donnant sur une cour bordée de chapelles et de magasins. C’est le lieu de purification et d’accueil, le lieu de renaissance du défunt qui, grâce aux rituels pratiqués pendant la momification, revivra éternellement à travers les statues de culte placées dans son sanctuaire. Une chaussée montante et couverte mène au temple funéraire, également appelé temple haut.
Situé sur la face est de la pyramide, il se divise en deux parties : le vestibule et la cour, pour le culte des statues ; le temple intime, pour le dépôt d’offrandes alimentaires. Derrière se dresse l’élément essentiel de cette structure funéraire: la pyramide qui n’est autre que le caveau où le défunt reposera pour l’éternité. Des fosses, creusées à même le roc au pied de la pyramide, abritent les barques funéraires en bois. De taille et d’importance variables, elles doivent permettre à Pharaon de naviguer dans l’au-delà aux côtés de son père, le dieu Rê. Enfin, disposées en rangs serrés de part et d’autre du monument royal, se trouvent les tombes civiles. Les particuliers, dont l’espoir de survie se limite à la seule tombe, entendent bien, par cette proximité, participer au devenir solaire du roi. Les plus nobles reposent immédiatement autour de la pyramide ; les moins fortunés se voient relégués aux franges du plateau désertique : c’est que, même par-delà la mort, la hiérarchie sociale est conservée.
Est-ce une étrange ironie du sort ? Mais force est de constater que du plus grand constructeur de tous les temps, nous ne savons rien. Hormis les récits d’Hérodote, qui rapporte une tradition orale vieille de plus de deux mille ans, aucun document concernant Chéops ne nous est parvenu, si ce n’est une petite statuette en ivoire d’environ … 8 petits centimètres de haut. Triste destinée pour le bâtisseur de la Première Merveille du monde !  Fils de Snéfrou et d’Hétéphérès, il emprunte, pour ses besoins funéraires, les idées amorcées par son père. Plus téméraire, et certainement plus ambitieux, il surpasse les limites techniques déjà atteintes pour édifier une pyramide parfaite de 230 mètres de côté, 146 mètres de haut, avec une pente parfaitement régulière de 52°.
Ce sont quelque deux millions trois cent mille blocs, d’environ 1m3 chacun, répartis sur 53 000 m2 de terrain. Le parement en calcaire rose de Tourah, pour partie arraché à l’époque arabe, devait donner à la pyramide un aspect pointu et parfaitement lisse. L’absence de ce revêtement, notamment au sommet, explique pourquoi la pyramide ne s’élève plus qu’à 137 mètres de haut. Quant aux aménagements intérieurs, qui ne cessent de susciter un émoi particulier parmi les scientifiques, ils semblent avoir été modifiés à plusieurs reprises. Au départ, on aménage un caveau souterrain de petite taille, dont l’accès s’effectue par un long couloir étroit et pentu. Avant même d’avoir abouti, le projet est abandonné et on opte, alors, pour une chambre dans le corps de la maçonnerie, improprement appelée « Chambre de la Reine », inachevée elle aussi par suite d’un nouveau changement de plan. On décide donc de prolonger le corridor conduisant à cette deuxième tentative manquée, par une galerie, admirable et spacieuse, de 46 mètres de long sur 8,50 mètres de haut, conduisant à une petite salle en granite coiffée d’un savant dispositif de chambres de décharge prévu pour diminuer les poussées : le caveau de Chéops.
L’ensemble est admirable et témoigne d’une maîtrise parfaite des techniques architecturales tout comme des méthodes de construction qui, à ce jour, restent encore énigmatiques. Comment les Égyptiens ont-ils bien pu faire pour construire un tel monument ?
Question sans réponse, que se posent techniciens, ingénieurs et égyptologues de tous horizons depuis tant d’années. De la rampe montante à la rampe enveloppante, du simple traîneau au traîneau roulant, de l’exploitation de la crue du Nil à l’emploi d’une machine en bois reposant sur un système de contrepoids : tout semble avoir été imaginé pour tenter de déterminer comment les pierres ont été acheminées jusqu’à la pyramide, puis hissées sur ses gradins successifs. Malheureusement, rien, dans les textes historiques ni, même, dans la logique pure, ne permet de conforter telle hypothèse avancée, plutôt que telle autre. Tout au plus, eu égard aux techniques connues et usitées à l’époque, certaines suppositions peuvent sembler plus crédibles ou plus réalisables que d’autres. Au bénéfice du doute, il nous a semblé plus sage de taire ce problème.
La découverte faite en 1954 le long de la face sud de la Grande pyramide mérite une attention particulière. Situées dans le prolongement l’une de l’autre, deux excavations naviformes, recouvertes de gigantesques dalles de calcaire posées sur le champ, abritaient les barques funéraires de Pharaon. Une seule des deux cavités a été ouverte ; l’autre est encore scellée, peut-être par souci de conservation, peut-être aussi pour laisser aux générations futures le plaisir d’une si belle découverte. La barque, soigneusement rangée en pièces détachées, a été sortie puis reconstituée par les soins du Service des Antiquités. Un musée, tout spécialement conçu pour l’accueillir, présente cette Å“uvre splendide. Ce sont quelque six cent cinquante éléments totalisant mille deux cent vingt-quatre pièces de bois, pour la majorité en cèdre du Liban. Actuellement, elle mesure 43 mètres de long sur 5,90 mètres de large. Ni clous, ni chevilles : tout a été assemblé avec des cordes d’alfa, dont la caractéristique première est de gonfler au contact de l’eau pour permettre à la barque de flotter.
L’expérience tentée par le roi Chéops reste unique. Parmi les nombreuses pyramides construites le long de la Vallée du Nil, seule celle de son fils. Chéphren, peut lui être comparée. Paradoxalement, sur le plateau de Gizeh, elle semble dominer celle de son prédécesseur. À ceci, deux raisons essentielles: d’une part, elle se dresse en un point plus élevé du terrain: d’autre part, une partie de son revêtement en calcaire subsiste au sommet, lui conférant une hauteur de 136 mètres, sensiblement identique à la hauteur actuelle de celle de Chéops. Quant à la troisième pyramide de Gizeh, celle de Mykérinos, elle ne s’élève qu’à 62mètres et s’assied sur une base de 108mètres de côté. Dans le caveau funéraire, découvert par l’archéologue Vyse en 1837, se trouvaient encore le sarcophage, magnifique cuve en basalte ornée d’un décor en « façade de palais », et le cercueil en bois, inscrit aux cartouches de Pharaon. Cependant, le bateau chargé de convoyer le sarcophage vers l’Angleterre a sombré le long des côtes ibériques: malgré de multiples recherches, l’épave n’a jamais pu être localisée.
À quelques centaines de mètres au sud-est de la pyramide de Chéphren siège Harmakhis, l’Horus dans l’Horizon, majestueux gardien de la nécropole. Tourné vers le Levant, le sphinx de Gizeh, taillé au cÅ“ur d’une carrière en calcaire, mesure quelque 20 mètres de haut et 71 mètres de long. On le date du règne de Chéphren mais certains détails donnent à penser qu’il est peut-être plus ancien. La tradition raconte qu’un émir mutila son visage, ulcéré par sa beauté trop parfaite et son sourire païen.