Nov 8, 2011
A la fin des temps, le monde et les dieux reviendront à l’état de chaos liquide et indifférencié, le Noun. Seuls Atoum et Osiris survivront, comme Atoum l’explique lui-même au défunt qu’il accueille dans l’au-delà :
Tu es destiné à vivre des millions de millions d’années. Pourtant, je détruirai tout ce que j’ai créé ; ce pays redeviendra à l’état de Noun, à l’état de flot, à son premier état. Je suis ce qui restera, avec Osiris, quand je serai redevenu serpent. Et ce que je serai, les hommes ne peuvent pas le connaître, les dieux ne peuvent pas le voir. Car je suis la totalité de ce qui est et ce qui n’est pas.
(extrait des Textes des sarcophages, trad. P. Barguet, Paris, ed. du Cerf, coll. « Littératures anciennes du Proche-Orient », 1986)
Nous retrouvons dans la mythologie nordique une conception identique de la fin du monde où les dieux eux-mêmes périront, sous la forme du combat final des dieux contre les forces du chaos, le Ragnarök.
Le mythe de l’éternel retour
A la fin du Ragnarök, trois dieux survivront (Baldr, Hödr et Vidar, les deux étant ressuscités, le troisième étant l’assassin du loup Fenrir) et un couple d’humains survivant repeuplera le monde.
En replongeant le monde dans le Noun, le mythe égyptien ouvre la possibilité à une nouvelle création, le dieu créateur n’étant pas mort, ce que le philosophe Nietzsche appelle le mythe de l’éternel retour. Chez les Grecs, il est symbolisé par un serpent qui se mord la queue (Ouroboros). Or, nous trouvons également ce symbole
Le retour au Noun et la fréquence de ce symbole en Egypte laissent penser que les Egyptiens de l’antiquité avaient développé une croyance en l’éternel retour des choses semblable à celle du Ragnarök.
Le début et la fin
La fin du monde est le reflet inversé de la création du monde. En effet, au tout début, selon la cosmogonie héliopolitaine, Nout (le Ciel) mangeait sans cesse les étoiles auxquelles elles donnaient naissance. Son mari Geb (la Terre) se disputa avec elle. Chou lui expliqua qu’elle les reprenait en son sein pour les faire renaître ensuite, comme elle faisait chaque jour avec la barque de Rê. Ainsi, la nuit, les étoiles disparaissent à l’occident pour renaître à l’orient le lendemain matin.
De manière plus large, l’Ouroboros est le reflet de tout ce qui commence, finit et recommence, le début associé à la fin, la vie et la mort, avec l’idée de totalité. Les expressions qui désignent le dieu créateur Atoum renvoient justement à cette idée : « Celui qui est la totalité », « Celui est complet », « Celui qui est et qui n’est pas ».
Les juifs se rappeleront la parole énigmatique que Dieu adresse à Moïse sur le mont Sinaï : « Je suis celui qui est » ou « Je suis celui que je serai » (Exode 3:13-14), en référence à tétragramme YHWH ( (יהוה) qui viendrait à la fois du nom d’une divinité sémitique (Yah) et de la racine du verbe être ou HYH (×”×™×”) qui signifie « être, arriver, devenir » ; ils citeront également le livre d’Isaïe : « Je suis le premier et le dernier, et il n’y a pas de Dieu en dehors de moi qui soit comme moi » (44:6-7).
Les chrétiens penseront aux paroles divines rapportées dans l’Apocalypse de saint Jean : « Je suis l’alpha et l’oméga, dit le Seigneur Dieu, celui qui est, qui était, et qui vient, le Tout Puissant. » (1:8);  » Je suis l’alpha et l’oméga, le commencement et la fin. » (21:6), « Je suis l’alpha et l’oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin. » (22:13).
Sources :
– Nadine Guilhou et Janice Peyré, La mythologie égyptienne, Marabout (Hachette Livre), Paris 2005, p. 42.
– H. Sheppard, « The Ouroboros and the Unity of Matter in Alchemy », in Ambix, 10 (1962), p. 83-96.
– Régis Boyer, l’Edda Poétique, Fayard, 1992.