Avr 18, 2014
Après l’édification de sanctuaires en l’honneur du disque rayonnant, l’évolution du dogme atonien se poursuit à Thèbes. Comme en témoignent les monuments, les événements s’accélèrent. Le dernier acte correspond à la rupture avec le clergé d’Amon et à la fondation d’une nouvelle capitale, Akhetaton. À la fin de l’an IV, le 11e jour du 3e mois de la saison de l’inondation, soit le 22 septembre 1352 avant J.-C., le premier prêtre d’Amon à Karnak, Maya, est encore mentionné.
Il est même commis pour envoyer une expédition dans le désert de l’Est afin d’extraire un bloc pour une statue du roi. C’est la dernière attestation de ce ministère sous Amenhotep rv. Un peu plus de quatre mois plus tard, après la date anniversaire du couronnement du roi marquant le passage de l’an IV à l’an V, le majordome du roi à Memphis, Apy, écrit au roi une missive qui ne lui est sans doute jamais parvenue. Le roi se nomme toujours Amenhotep, et Apy lui signale que tout va bien dans le temple du dieu Ptah à Memphis et que les provisions du sanctuaire sont prêtes.
24 jours plus tard, le l3e jour du 4e mois de la saison de la germination de l’an V, Amenhotep IV fait halte avec une partie de la cour à Amarna pour effectuer une reconnaissance du site de sa future capitale.
Dans la première proclamation de fondation, il est écrit qu’à l’aube le roi arrête son char à l’emplacement de ce qui sera le petit temple d’Aton et procède à la première adoration du soleil accompagnée d’offrandes; au loin, vers l’est, le soleil émerge peu à peu de l’horizon dans la partie sud de l’échancrure constituée par l’entrée d’un grand vallon désertique.
Une estimation à partir des données astronomiques permet de calculer que cet événement eut lieu le 21 février 1351 avant J.-C. à 5 h 30 du matin. Le site est dénommé l' » Horizon d’Aton », en égyptien « Akhetaton « , comme auparavant la zone est de Thèbes avait été renommée par le roi 1′ .. Horizon de l’Aton ».
Entre cet acte fondateur et l’installation proprement dite à Akhetaton, vers l’an VII, le roi réside encore à Thèbes mais entre visiblement en conflit ouvert avec le clergé d’Arnon. Amenhotep N, qui s’appelle dorénavant Akhenaton- « Celui qui est profitable à Aton » – , ordonne une campagne de martelage des images et du nom d’Arnon.
Bien que cette fureur iconoclaste ait des répercussions sur l’ensemble des sanctuaires égyptiens, elle reste essentiellement limitée à la région thébaine et ne semble pas avoir mobilisé des ressources humaines conséquentes.
De nombreux monuments furent épargnés, par négligence, lassitude ou respect des dieux. De plus, si Amon et les divinités qui lui sont associées: Mout, Khonsou et Nekhbet sont persécutés, les autres dieux du panthéon échappent à ces mesures iconoclastes (sauf à Thèbes).
Qu’Akhenaton ait pu agir de la sorte jusqu’au saint des saints de Karnak montre bien que son pouvoir est supérieur à celui des prêtres. Certes, le clergé d’Amon à Karnak est une énorme institution sociale et économique et sa fortune foncière est l’une des premières sinon la première du pays, mais il n’a pas de réelle autonomie de gestion et sa puissance temporelle est soumise à la tutelle royale.
En revanche, il est certain que le transfert de la résidence royale à Akhetaton indique que le roi n’a pas totalement réussi à imposer ses vues à Thèbes. S’il a manifestement le pouvoir de contrarier le clergé d’Amon, cette institution jouit d’une autonomie suffisante pour gêner les ambitions du roi à Thèbes et forcer en quelque sorte son départ.
Afin de financer le culte d’Aton, le roi procède à la taxation des temples de toute l’Égypte, des nomes et de leurs métropoles.
Ces dispositions fiscales sont gravées sur la paroi d’un des sanctuaires d’Aton à Karnak. Toutefois, ces ponctions paraissent assez légères et il semble bien que l’effort essentiel ait été fourni par le trésor royal. Aussi, même s’il est assuré que le roi ne finance aucun chantier des temples polythéistes, ceux-ci survivent tant bien que mal malgré l’indifférence du pouvoir à leur égard, les réquisitions et les impositions.
Le culte d’Aton est, au demeurant, essentiellement la religion personnelle du roi et il n’existe aucune preuve qu’Akhenaton ait jamais persécuté quiconque parmi ses sujets pour ses croyances.
Il faut donc relativiser l’intolérance prêtée a posteriori au pharaon  » hérétique » : le roi cherche visiblement plus à séduire qu’à convaincre. Il est néanmoins vrai qu’en ne soutenant pas les autres cultes l’attitude d’Akhenaton peut être considérée comme impie: il est en effet du devoir de tout pharaon d’entretenir les temples et d’honorer tous les dieux.